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samedi 28 mars 2009

Se souvenir de


La machine à égrener le maïs c'était juste pour les poules, une corbeille pour le lendemain, râler, traîner des pieds, finir par y aller, aller au séchoir, remplir la fichue corbeille d'épis de maïs, la porter à deux, une de chaque côté, la poser derrière la machine, se pencher, insérer l'épi dans l'entonnoir, se pencher encore, essayer d'en avoir un ou deux d'avance, les enfourner, l'autre tournait, pas si vite, accélère, tourner la manivelle à s'en démettre l'épaule, puis s'arrêter soudain, chercher un rythme, à mon tour de, se disputer, le maïs humide, les rouages mal huilés, la machine qui se met à siffler et coince, t'as qu'à, se disputer encore, remplir peu à peu la bassine, parfois décider que deux bassines et se faire féliciter, garder les "zukur" rouges pour allumer le feu dans la cuisinière à bois, jeter le maïs aux poules, crier prrrouuuu, prrrouuuu, les voir accourir et se sentir auguste dans le geste du semeur.

jeudi 26 mars 2009

mots oubliés (1) : machine à égrener le maïs, commode en camphrier, trépied

Morellienne Julio Cortazar
Marelle
105
Je pense aux gestes oubliés, aux multiples gestes et propos de nos ancêtres, tombés peu à peu en désuétude, dans l'oubli, tombés un à un de l'arbre du temps. J'ai trouvé ce soir une bougie sur une table, et pour m'amuser je l'ai allumée et j'ai fait quelques pas avec elle dans le couloir. Elle allait s'éteindre quand je vis ma main gauche se lever d'elle-même, se replier en creux, protéger la flamme par un écran vivant qui éloignait les courants d'air. Tandis que la flamme se redressait, forte de nouveau, je pensai que ce geste avait été notre geste à tous (je pensai tous et je pensai bien, ou je sentis bien) pendant des milliers d'années, durant l'Age du Feu, jusqu'à ce qu'on nous l'ait changé par l'électricité. J'imaginai d'autres gestes, celui des femmes relevant le bas de leurs jupes, celui des hommes cherchant le pommeau de leur épée. Comme les mots disparus de notre enfance, entendus pour la dernière fois dans la bouche des vieux parents qui nous quittaient l'un après l'autre. Chez moi personne ne dit plus « la commode en camphrier », personne ne parle plus des « trépieds » . Comme les airs de l'époque, les valses des années vingt, les polkas qui attendrissaient nos grands parents.
Je pense à ces objets, ces boîtes, ces ustensiles qu'on découvre parfois dans les greniers, les cuisines, les fonds de placards, et dont personne ne sait plus à quoi ils pouvaient bien servir. Vanité de croire que nous comprenons les œuvres du temps : il enterre ses morts et garde les clés. Seuls les rêves, la poésie, le jeu —allumer une bougie et se promener avec elle dans le couloir—nous font approcher parfois de ce que nous étions avant d’être ce que nous ne savons pas si nous sommes.
(-96)

mercredi 25 mars 2009

Rebut


A l'œuvre le temps rongeant ces barques échouées.

mardi 24 mars 2009

Contagion


Il gagne.

Soudain là. Le sac de cours nouvelle version.

Planté le Eastpack !

Pas vu de pub pourtant.

Alors actrice, chanteuse, feuilletons, magazines... ?!

Les voilà qui paradent toutes, le Longchamp ou mieux, mais plus cher encore, le Vanessa Bruno coincé au coude. Parfois juchées sur des escarpins. Et ce dès la sixième.

Jeunes filles 2009.


lundi 23 mars 2009

Le lendemain





Recommencer, lacer les tennis rouges, une affaire au marché, pas tout à fait de la même couleur mais avec du cirage ça passe, rue Latapie, Boulevard des Pyrénées, tour du parc et retour, une heure, rêvasser, ressasser et regarder, il fait beau encore, d'un jour à l'autre des variations de lumière, les feuilles de tilleul ont poussé, remarquer les premières glycines, croiser le jardinier, celui qui me salue, il s'affaire "La tonte à faire", coup de soleil, marque des lunettes, la neige, d'autres hommes aussi croisés plus tôt, crème protectrice connais pas ! des riens, puis d'autres riens, ici ou là, hier ou maintenant.


dimanche 22 mars 2009

Aller au parc

Descendre trois étages. Au rez-de-chaussée la Banque Populaire, du temps pour se rappeler qu'elle a pris la place exacte de "L'Aide Mémoire", une librairie, en face la maison où a vécu Saint John Perse, belle, haute, une lourde et large porte en bois et derrière de l'espace, un parc alors, aujourd'hui des garages, au bout à gauche la chapelle Saint Louis de Gonzague , prendre à droite, sur le trottoir Saint John Perse, Bachi-Bouzouk mais superposée l'enseigne du Linge de maison Minvielle, puis le Van Gogh un café Hôtel, hébergement de personnes en difficulté tenu par un colosse, grandes bacchantes, amer dit-on de la lutte syndicale ( long conflit autour des chaussures Bata), un bon café bien serré à l'italienne, L'épicerie Moderne, sa vitrine raffinée mais cher, très cher, en face, Auprès de mon arbre, une toute petite librairie, tiendra tiendra pas ? la modiste, une toulousaine au verbe haut, une banque, elle a pris la place d'un café sorte d'institution de la ville, La Coupole, banquettes de cuir rouge, piano, miroirs, petits guéridons, presqu'oublié comme si la banque avait toujours été là, prendre vers le Palais des Pyrénées, deux immeubles assez laids, au milieu une esplanade consacrée au commerce, Les chocolats de la Couronne, délicieux, SFR, Sephora, Quick Silver, la FNAC, la boutique Orange, les enseignes habituelles, traverser la rue Barthou, longer un square très fleuri, jonquilles en train de faner mais des primevères, sur la droite L'Automobile Club Béarnais, stages de rattrapage de points du permis, prendre à droite le Boulevard des Pyrénées, montagnes enneigées, proches trop proches, il va pleuvoir, ici le signe qui ne trompe pas, en contrebas la gare, funiculaire fermé, trop tôt ? en réparation ? enchaînement de cafés, le premier l'Aragon, vieille adresse, en balcon, une petite terrasse surélevée, un homme en train de lire, impossible de déchiffrer le titre, coup d'œil vers la Place royale et son kiosque, premières feuilles pour les tilleuls, le ginkgo biloba, des bancs verts, des tilleuls encore, au bout le château, passer la grille, tourner à gauche et descendre quelques marches, longer la face sud, treille et mini-jardin d'agrément d'abord puis potager, traverser une esplanade, cerisiers en fleurs en contrebas, arriver Place Mulot, passer les grilles du parc du château, à l'entrée un magnolia en fleur, des écureuils, des merles, des rouges-gorges, les brindilles craquent sous les pas, le silence particulier du dimanche matin, le Gave en contrebas, un train, croiser la joggeuse aux cheveux très courts des écouteurs aux oreilles, sourire, revenir par le même chemin. Rassérénée.

samedi 21 mars 2009

Nettoyage de printemps (1)


Pas de quartier pour la violette.



vendredi 20 mars 2009

Ginkgo biloba

Automne, hiver... et printemps.
Un printemps discret encore mais certain.
Même pour lui le Vénérable.






































jeudi 19 mars 2009

Vieillir : les quinquas

échanger adresses d'ophtalmo, gynéco, dentiste, ostéopathe, aligner gélules, pastilles de couleur, se raconter des horreurs, kyste, abcès, perte de masse osseuse, j'ai traîné, il avait rien vu, tu te rends compte, six mois j'ai attendu, je vais te donner l'adresse du mien, va sur la côte, là-bas on te prend vite, mais oui, changes-en, qu'est-ce que t'attends ? toujours quelqu'un pour vous filer sa perle, une potion si vous éternuez, prescrire si vous parlez de mal de tête, protester aussi contre le consumérisme, pas à une contradiction près, payer, un peu, beaucoup, sourire parfois, jaune le plus souvent, collègue J'ai un salon Louis XVI dans la bouche, oui, cher les travaux, multiplier les examens, se méfier des résultats, tenter de faire la forte tête, à la première alerte exiger le must, soins à Toulouse, Bordeaux, Paris, adopter la docilité de la patiente. Capituler. Avoir peur.

mercredi 18 mars 2009

Années soixante





Une famille vivait là.

Donnant sur l'est, la grange.

Sol de terre battue, hautes et larges portes pour laisser passer les charrettes de trèfle, à gauche la cuisine, puis deux chambres, en haut de l'escalier, le grenier à foin. Au fond l'étable.













L'étable, ouverte sur le sud. Leur jardin au soleil.







Jonquilles. S'étonner.

Et marchant dans la lumière d'un beau matin de février, se souvenir alors de tout le reste, le potager, les fleurs, des roses, des iris, la vigne grimpante, les quelques fruitiers.

Seules à avoir résisté. Qui aurait parié sur elles ?

Puisse le désherbant les épargner encore.




mardi 17 mars 2009

Petit matin





Prête.

Petit sac solidement arrimé.

Elle attend.


















Puis le bus.

Attendre.

Encore.








Le petit garçon est en retard, il presse le pas, sa maman porte le sac.


lundi 16 mars 2009

Chantier (6)



Détruire, reconstruire, métamorphoses.

Gros engin jaune, une pelle.

Rue en pente et dans le trou, ce qui fut sans doute une maison.

Une pensée pour la scierie en bord de mer.

Résister aux promoteurs.

dimanche 15 mars 2009

Scierie de Lekeitio







Et l'ombre de Julien...

Ce petit événement changea le cours de la conversation. - Je veux absolument prendre chez moi Sorel, le fils du scieur de planches, dit M. de Rênal ; il surveillera les enfants qui commencent à devenir trop diables pour nous. C'est un jeune prêtre, ou autant vaut, bon latiniste, et qui fera faire des progrès aux enfants ; car il a un caractère ferme, dit le curé. Je lui donnerai 300 francs et la nourriture. (...) M. de Rênal était absorbé dans ce doute, lorsqu'il vit de loin un paysan, homme de près de six pieds, qui, dès le petit jour, semblait fort occupé à mesurer des pièces de bois déposées le long du Doubs, sur le chemin de halage. Le paysan n'eut pas l'air fort satisfait de voir approcher M. le maire ; car ces pièces de bois obstruaient le chemin, et étaient déposées là en contravention. (...) Le père Sorel, car c'était lui, fut très surpris et encore plus content de la singulière proposition que M. de Rênal lui faisait pour son fils Julien. Il ne l'en écouta pas moins avec cet air de tristesse mécontente et de désintérêt dont sait si bien se revêtir la finesse des habitants de ces montagnes. (...) Une scie à eau se compose d'un hangar au bord d'un ruisseau. Le toit est soutenu par une charpente qui porte sur quatre gros piliers en bois. A huit ou dix pieds d'élévation, au milieu du hangar, on voit une scie qui monte et descend, tandis qu'un mécanisme fort simple pousse contre cette scie une pièce de bois. C'est une roue mise en mouvement par le ruisseau qui fait aller ce double mécanisme ; celui de la scie qui monte et descend, et celui qui pousse doucement la pièce de bois vers la scie, qui la débite en planches. (...) En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne répondit. Il ne vit que ses fils aînés, espèces de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs de sapin, qu'ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils n'entendirent pas la voix de leur père. Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place qu'il aurait dû occuper, à côté de la scie. Il l'aperçut à cinq ou six pieds plus haut, à cheval sur l'une des pièces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement l'action de tout le mécanisme, Julien lisait. Rien n'était plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse, il ne savait pas lire lui-même.

Stendhal Le Rouge et le Noir