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dimanche 10 novembre 2013

au pays d'Ignace de Loyola : "Que la terre me semble vile, quand je regarde le ciel"

on quitte Azpeitia à pied,
un paysage austère et imposant,
couvents, églises,
c'est encore loin ?
le temps de se poser la question et c'est ,
haut des marches, embrasser le paysage, parc et joggers,
rêve de départ
 

     Un homme qui a été saisi comme il l'a été ne prend pas de précautions. Ignace est resté lui-même dans la sainteté, mais il n'a pas choisi de devenir un saint. I1 y a, dans le saint, un enfant qui persévère, un nomme qui reste fidèle à son enfance, et cette fidélité comme cette persévérance sont au-dessus de nos forces. Nous ne pouvons là-dessus nous raconter d'histoires. Nul ne peut se transformer, et d'abord parce qu'on ne se change pas sans s'être dépris de soi, ce que nul ne peut faire s'il n'y est pas incité par une promesse, même confusément entendue. Aussi bien l'histoire d'Ignace est-elle celle d'un investissement par Dieu. Le créateur des mondes s'est engouffré de toute éternité dans le sillage du boulet de Pampelune, donnant à cet homme rétif l'étonnant courage de l'assentiment. «Je te rends, Seigneur, ma liberté entière », a-t-il écrit. I1 s'y est efforcé à chaque instant, les grâces les plus puissantes, les plus décisives, ayant développé en lui le sentiment paradoxal d'être un obstacle à l'influence divine, si bien qu'il ne s'abusait pas—et de moins en moins—sur la portée réelle de sa conversion. « Pour moi, j'ai la conviction qu'avant comme après je ne suis qu'obstacle », écrivait-il à François de Borgia dans une lettre qui est l'une des plus belles de la littérature spirituelle. Mais il y avait découvert alors les raisons d'une joie incomparable.
(...) Et j'aimais aussi qu'elle laissât dans l'ombre, comme autant de peaux mortes, cette masse de souvenirs et de sentiments dont Ignace eût pu faire usage pour nous toucher, au point qu'il faut à présent consentir un grand effort d'imagination pour raconter sa vie faire usage pour nous toucher, au point qu'il faut à présent consentir un grand effort d'imagination pour raconter sa vie. Et certes il n'aura rien oublié, pas plus que nous autres, de ces émotions familières qui lui avaient permis d'apprivoiser un monde étranger. A la fin de sa vie, il tressaillira encore de plaisir au son d'une flûte de montagne. Mais, qu'il écrive ou qu'il dicte, Ignace est d'abord tendu vers une efficacité universelle. I1 ne veut rien céder à ces illusions de la mémoire et de l'amour de soi, qui, comme le pensaient les ascètes orientaux, enferment chaque homme dans sa nuit particulière et jettent un filet sur la créature pour l'empêcher de s'approcher de son Créateur et d'y goûter la joie parfaite. S'il se porte au-delà du chaos intérieur avec une sûreté tranchante dont les formules découragent par leur austérité, c'est pour ne perdre aucune chance d'amener chacun à la paix qui suit les combats. Peut-être au fond le secret d'Ignace réside-t-il en ceci que pour lui rien n'est perdu, et que rien ne se perd. I1 n'a pas vu nos vies comme l'ordure dont parlera Pascal, ni ce monde-ci comme une vallée de larmes où l'on attendrait l'autre en priant. L'Ancien Testament lui avait appris à voir l'invisible dans le sensible, et le Nouveau que le Royaume est déjà là. (..) Mais j'aimais surtout qu'il n'y eût guère de sacré chez Ignace. Les mitres et les chasubles ne m'ont jamais plu, et tout cet appareil processionnaire où l'orgueil des hommes se complaît, dans lequel ils me paraissent prostituer Dieu à leur désir de gloire, et par lequel ils maintiennent les peuples dans une crainte révérencielle qui justifie à mes yeux l'athéisme le plus incommode. Les églises elles-mêmes ne m'inspirent guère. (...) Je pressentais que ces créations, cette influence, ces actes trouvaient leur origine dans le silence d'un seul cœur abandonné, et ce silence surtout m'intéressait. Sans doute ai-je espéré, en m'approchant de ce domaine mystérieux, attirer sur mes proches et sur moi, au-delà du temps, l'amitié de l'objet de mon étude, et en recueillir des bienfaits insoupçonnés.
 

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